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Hommage à Tamusi Sivuaraapik


LA RENCONTRE

J'ai rencontré Tamusi Sivuaraapik lors de mon tout premier voyage à Puvirnituq. C'est lui qui était venu me chercher au village pour m'amener au campement où toute l'équipe se trouvait pour le début du tournage. Je suis montée dans son canot. Il naviguait en vrai vrai cowboy. Il faisait des virages à 90, visiblement impatient, avançait et reculait en deux temps trois mouvements... Pas l'temps d'niaiser. Je ne savais pas encore à qui j'avais affaire. Le village s'est estompé petit à petit puis a disparu et nous nous sommes retrouvés sur la baie d'Hudson. Bienvenue au nord du 60e parallèle.

Le canot filait à vive allure et sa coque frappait fort sur l’eau. Paf! Paf! Paf! À chaque coup porté, je me disais : « Crime, rock n’roll, le monsieur. » J'ai regardé l'horizon sans fin et la beauté du paysage et je me souviens avoir pensé : « Ouin, ben c'est peut-être bien ici que ça s'arrête. Ça va péter en deux ce canot-là, pis tu peux être certaine que personne va nous retrouver. » Je n'avais pourtant aucune crainte, totalement heureuse d'être là avec le sentiment que ça serait bien correct de même.

Après un certain temps, le campement a fait son apparition. « Wow! C'est pas vrai, je rêve!​ »

Campement sur la toundra. Tournage du film Le jour avant le lendemain.

C'est là que l'enfant heureuse que j'étais allait passer plusieurs semaines en compagnie de toute l'équipe de tournage de Montréal, d'Iglooqlik et de Puvirnituq (village réputé pour ses rangers de haut niveau) et apprendre à connaître Tamusi Sivuaraapik, le grand musher du Nord!

ISABELLE SE SOUVIENT​

Isabelle Dubois, une amie de Kuujjuaq que j'ai connue à la même époque et qui était dans l'organisation des grandes courses de traineaux à chiens, se souvient de lui.

« Tamusi était un musher hors pair et fut notre premier champion d'Ivakkak en 2001, lors de la toute première course de traîneaux à chiens qui avait lieu d'Umiujaq à Puvirnituq. Lorsqu'il est arrivé, la foule l'a hissé, lui et sa femme Lizzie (une toute petite femme tout aussi forte que lui), sur son traîneau. Je m'en souviens comme si c'était hier. Il n'a jamais regagné la course après, mais il arrivait souvent dans le top trois et en montrait ainsi aux plus jeunes.

Il a même été celui qui a suggéré de faire la course en toute autonomie, sans arrêt obligatoire, sauf un seul au milieu, sans support, à traîner tout l'équipement nécessaire sur le traîneau entre Puvirnituq et Kangirsuk en 2006. C'était tout un homme! Un peu shaman à ses heures, même, me disait-on. Il m'appelait chaque Noël, un prétexte pour me parler de la course qui s'en venait. »

« Lorsque je suis tombée enceinte, il m'appelait de temps en temps pour voir comment allait le bébé et me dire qu'il voulait son saunik si c'était un gars. J'ai eu une fille... Mais lorsque j'ai moi-même visité sa tombe lors de la course suivante en 2009, avec tous les autres mushers participants, j'ai su qu'il avait lui-même un saunik femme, Kayula, je crois, si ma mémoire est bonne. Avoir su ! Mais bon, j'appelle souvent ma fille « p'tite amour », qui sonne comme « p'tit Tamu » en inuktitut, en pensant à lui. »

Isabelle Dubois

La leçon d'Isabelle

« Saunik, c'est la façon dont on appelle une personne qui a été nommée du nom d'une autre personne en son honneur. Bref, par exemple, une petite fille a été nommée Isabelle en mon honneur, eh bien elle est mon saunik et je suis aussi le sien. »

Lizzie sur le campement en 2007

LA VISITE À LIZZIE

Aujourd'hui, je suis allée rencontrer Lizzie, la veuve de Tamusi. Ça faisait trois semaines que je cherchais à la rencontrer. Je tenais à lui remettre un portait de son mari. Ce portait était chez ma mère jusqu'à son décès. Voilà qu'il retourne maintenant à sa source. La petite femme aux yeux pétillants m'a reconnue, m'a prise dans ses bras et a éclaté de rire en voyant feu son mari.

Je n'ai pas été surprise une seconde quand on m'a dit que Tamusi n'était pas au cimetière et qu'il avait sa tombe à lui seul dans la toundra.

Par son tempérament à la fois doux et fougueux, à la fois calme et impatient, heureux dans l'action et le mouvement, Tamusi me faisait beaucoup penser à mon père. Mes pensées vont aussi vers lui, et beaucoup d'amour s'élève dans le ciel immense du Nunavik.

Nakurmik Mario Aubin pour m'avoir mener jusqu'à Lizzie. Nakurmik Isabelle pour les souvenirs partagés.

Références

Le portait de Tamusi se retrouve dans le livre Ikuma. Carnet de tournage, paru chez Mémoire d'encrier.

Pour en savoir plus sur le film Le jour avant le lendemain.

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